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Tizi-Ouzou, le 2 juin 1962
Rehaussé par le coussin bariolé de
son fauteuil en acajou, le petit homme
me dévisage tout en tapotant le dossier
posé devant lui ...
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Je n'attends aucune clémence, aucune
compréhension du fonctionnaire assis
en face de moi.
Emmanation de la justice française,
il n'est pas là pour tirer les
conséquences du drame algérien
mais pour enquêter ...
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Je tiens à ajouter à la liste un nom
celui qui devrait s'y trouver en tête :
Ali BOUZARA ...
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Alger, 10 février 1962
Assis sur un tabouret, j'écoute attentif
l'homme qui me donne ses dernières
instructions. Denis LECLERC,
un ancien CRS qui a déserté pour
rejoindre les rangs de l'OAS ...
Philippe DELFOUR, silencieux, m'observe
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Tu as déjà tué un homme ?
La voix impassible de Blond-Blond
me ramène à la réalité ...
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L'objectif vient d'entrer au "Roi du Poulet"
C'est le marchand de volailles qui se
trouve sur le trottoir d'en face,
pas loin d'ici : Ali BOUZARA.
Dépéchez vous ...
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Tu peux encore dire NON. Je ne t'en
voudrai pas si tu nous plaques.
Tu es encore un peu jeune pour ce
genre de boulot ...
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Fais attention ! Ne prends aucun risque.
BOUZARA est certainement armé
et ce n'est pas un manchot.
Alors ne joue pas au cow-boy ...
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Il ne me reste plus qu'à attendre
qu'Ali BOUZARA sorte de la boutique.
Jamais je ne me suis senti aussi seul.
Je songe à ma Mère ...
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Le canon du Smith et Wesson est entre
ses yeux. La balle pénètre à la base
du front. La chair éclate en lambeaux,
le sang gicle éclaboussant le visage
du fellagha ...
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La détonation a semé la panique parmi
la foule. Les gens se sont réfugiés dans
les magasins, sous les étalages, dans
le caniveau. Des femmes hurlent.
Des sacs de provisions sont déversés
sur le sol. Penché à sa fenêtre un vieil
homme s'égosille en criant "à l'assassin !"
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Ne te panique pas. Marche calmement.
Un tueur qui abandonne un cadavre en
donnant l'impression d'être maitre
de lui ne risque pas grand chose.
Mais celui qui s'enfuit, paniqué, a
toutes les chances d'être ceinturé
par les témoins du crime. Fourres-toi
bien ça dans le crane.
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J'étais rudement inquiet à ton sujet
En t'observant je me disais
"il a l'air bien jeunot, ce gars ...
C'est peut-être une connerie de
lui avoir confié ce boulot "
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Alger, 10 Février 1956
Une bombe fln dans le stade d'EL-BIAR
tue autour de moi 15 personnes,
plus 30 blessés
Alger, 10 février 1962
J'éprouve une joie sauvage d'avoir
fait sauter la cervelle de mon premier
fellouze ...
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Je reconnais la voix nasillarde de Kader
mon meilleir ami. Il est arabe.
Depuis l'âge de huit ans nous sommes
inséparables ...
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Un jour Kader avait déversé son cartable
rempli de farine sur la tête du laitier,
Prosper, un noir.
En s'enfuyant il lui avait lancé :
"Maintenant, t'es un vrai Français"
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C'est un dimanche comme les autres.
Nous venons assister à la rencontre de
championnat qui va opposer le SCUEB
au RUA ...
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Edgar pose son index sur l'épaule de la
fille assise devant lui. Surprise,
elle se retourne. Elle est belle,
18 ans peut-etre, une bouche sensuelle
...
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L'esplosion tonne avec une violence
inouie dans notre dos ...
Un bref instant, un silence lugubre
plane sur le stade ...
Les cris d'horreur, les gémissements,
tout autour de moi j'entends des voix affolées ...
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La déflagration de la bombe a provoqué
l'éventrement d'une partie des tribunes.
4 travées sont effondrées.
Dans un trou béant s'échappent des
gémissements suppliants des blessés
prisonniers sous les débris.
Les sirènes des ambulances se font
entendre au loin ...
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L'horreur du spectacle qui se déroule
sous mes yeux est horrible. Le cri des
enfants qui cherchent leurs parents,
les gémissements des blessés,
les rales des mourants résonnent à
mes oreilles. La jeune fille que nous
avions draguée est morte, le bassin
broyé sous un bloc de béton, la jambe
gauche déchiquetée ...
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Le Père de la jeune fille, livide, hébété
délire d'une voie chancelante ...
Elle est belle ma fille ... N'est-ce
pas, elle est belle ma fille ...
Réponds moi ma petite Sophie chérie
Je t'en prie ... parle à ton Papa ...
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Le malheureux gosse supplie entre ses
pleurs : "Je veux ma Maman ... Pourquoi
elle ne vient pas ma Maman ..."
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Alger, 15 Février 1962
L'homme que je dois tuer se trouve au
bureau du 1er étage. J'ignore son nom
Il est d'origine champenoise et agé
de 42 ans. Il occupe un poste de
directeur dans l'administration. Il ne
cache pas sa sympathie pour le fln.
Un 1er avertissement ne l'a pas
empéché de persister ...
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Pour la seconde fois je guette un homme
pour le tuer. Je dois me montrer à la
hauteur. DEGUELDRE m'observe dans une
Mercédès garée à 40 mètres ...
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Je reconnais ma future victime ...
Grand, vétu d'un costume croisé à
fines rayures, le directeur complète
son élégance avec un attaché-case en
cuir noir ...
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Au moment où le directeur et son gamin
arrivent sur le trottoir à 4 mètres de
moi, je bande mes muscles, ferme les
yeux ...
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Le regard du directeur est rivé au mien.
La lueur qui subitement brille dans ses
yeux contient toute la peur du monde ...
Il veut fermer sa portière, tourne la
tête ... puis découvre, horrifié, le
trou noir mençant du Smith et Wesson
braqué sur son front. Il hurle :
"Non ! Je vous en supplie ...
La détonation couvre ses derniers mots
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Le plus degueulasse des deux, c'était lui
En se servant de son môme comme bouclier
il pensait que nous n'oserions jamais
l'exécuter ... Pour vaincre, il ne
faut pas faire de sentiments ...
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Soudain, l'avenir m'effraie ...
Où donc m'arrêterais-je dans la cruauté
et la violence ?
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Chéragas, 5 juin 1959
Dominique est la fille d'un capitaine
d'aviation et habite ALGER.
Après avoir flirté une grande partie
de la soirée nous avons fait l'amour
sur la plage puis nous nous sommes
baignés nus dans la mer encore tiède
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Le musulman interpelle Kader en arabe
et l'abreuve d'injures avant de
cracher à terre ...
"Traite, vendu, Fils de pute ...
Kader fait semblant de ne pas entendre
La main de Dominique tremble dans la
mienne ...
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A peine sommes nous installés dans la
voiture que 6 arabes réapparaissent de
l'ombre et se ruent sur notre véhicule
armés de batons et barres de fer ...
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J'ai décidé de retourner à Chéragas
ce soir. Il faut que je me farcisse
l'autre crapule ...
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Si tu y vas, je viens avec toi ...
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J'vi t'faire niqui par le fln, toi et
ti roumis ! enculé ! Salope ...
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Braillant de douleur, l'arabe lache
son couteau puis prend un second coup
sur la nuque. Son corps roule au sol ...
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L'acier tranchant du couteau fouette
l'air. Je pare le coup en projetant ma
jambe droite dans son bas ventre. En
gueulant il se casse en deux ...
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D'un brusque coup de volant, Jean
cueille au vol avec l'aile de la voiture
l'arabe qui va s'aplatir contre un
tronc d'arbre. Au même moment Edgar
assomme le sien d'un coup de massue en
pleine tête ...
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Vos scandales aux bordels d'Alger, vos
bagarre avec les paras, vos prouesses
en voiture ne vous suffisent plus ...
Demain je prends rendez-vous chez le
psychiatre ...
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